Résumé : | Christophe Ventura. Mémoire des luttes
Selon vous, « plus de la moitié du commerce international passe par les paradis fiscaux ». Mais, au fond, qu’est-ce qu’un paradis fiscal?
On peut expliquer facilement ce qu’est un paradis fiscal avec deux mots : « échapper à » et « ailleurs ».
Les paradis fiscaux permettent d’échapper à l’impôt, certes, mais aussi aux lois
pénales, à la régulation financière, aux obligations de transparence, etc. En un mot,
aux responsabilités civiques et sociales. Ils exemptent les riches et les entreprises
des contraintes, risques et obligations que la démocratie exige de chacun d’entre
nous. La fiscalité n’est qu’un aspect de la question.
Le mot « ailleurs » est également crucial. Pour échapper aux responsabilités, il faut
mettre son argent (son argent personnel ou celui de sa société) ailleurs. D’où le mot
« offshore », littéralement, en anglais : « hors du pays ». Ainsi, par exemple, la législation des Bahamas sera conçue pour attirer l’argent, non pas des habitants de
l’archipel, mais des ressortissants étrangers.
Quelle est leur fonction dans l’architecture de la finance internationale?
Les paradis fiscaux servent plusieurs objectifs. Leurs thuriféraires disent qu’ils permettent de remédier aux « insuffisances » du système financier international :
grâce à eux, les capitaux se déplacent plus vite dans l’économie et rencontrent
moins d’obstacles. Une image souvent utilisée est celle des grains de sable dans
la machine : les paradis fiscaux fournissent l’huile qui lubrifie le moteur. Mais si
l’on y regarde de plus près, l’on a une tout autre perspective. Quels sont ces
« obstacles » qui sont supposés ralentir la finance mondiale et la rendre moins « efficiente »? Ce sont les impôts, la régulation financière et les obligations de transparence
– toutes choses qui ont une bonne raison d’exister ! On ne voit pas très bien, par exemple, en quoi le secret bancaire est « efficient » : il est peut-être bien pratique pour des personnes privées, mais il nuit au système dans son ensemble. |