Résumé : | La tutelle administrative pose, en droit public en général et en droit administratif en particulier, de nombreux problèmes d'équilibre entre pouvoirs. Il n'est, pour s'en rendre compte, que de constater le volume du contentieux que son exercice engendre devant la section d'administration du Conseil d'Etat. Le nombre relativement élevé d'annulations prononcées en la matière témoigne moins, me semble-t-il, d'un arbitraire croissant des autorités de tutelle que des difficultés réelles qu'elles rencontrent dans l'exercice d'attributions qui, du moins quant à l'appréciation de la conformité à l'intérêt général des décisions qui leur sont soumises, se sont trouvées particulièrement délicates à mettre en oeuvre depuis que le délabrement à peu près général des finances des pouvoirs locaux a rendu de plus en plus difficile le respect effectif de l'autonomie de principe de ceux-ci. A cette complication des données propres à chaque acte vient cependant s'ajouter la multiplication des tutelles elles-mêmes, multiplication qui suit non seulement la tendance centralisatrice que je viens d'évoquer mais aussi la prolifération de l'interventionnisme administratif dans ses formes locales qui fait qu'aux bonnes vieilles tutelles classiques de la loi communale et de quelques grandes lois organiques sont venues s'en ajouter d'autres pour lesquelles il n'a pas toujours été facile de trouver un qualificatif adéquat et dont l'enchevêtrement complique encore la tâche de ceux qui en ont la charge. A quoi les réformes institutionnelles ont donné littéralement une dimension supplémentaire en superposant par l'article 7 de la loi spéciale du 8 août 1980, tutelle ordinaire et tutelle spécifique aux notions classiques de tutelle générale et de tutelle spéciale.
C'est au noeud gordien du concours de ces différents types de tutelles, ou, comme il le dit, de ces différentes techniques de tutelles, que Pascal Gilliaux s'en est pris. Juriste et non militaire, il ne le tranche pas mais le défait patiemment en allant du plus simple au plus complexe avec le souci constant de ne pas perdre son lecteur en route. Bien que fondé sur une documentation remarquablement complète, recensée avec un sens critique toujours en éveil, parfois avec humour quand il s'agit, par exemple, du "caractère docile de nos communes", l'exposé est toujours aussi clair que possible, soucieux de pragmatisme et d'utilité sans que la théorie, souvent originale, s'y trouve sacrifiée. On retiendra particulièrement en ce sens les définitions proposées pour la tutelle ordinaire et la tutelle spécifique.
Non sans ironie, l'auteur dénonce le manque d'esprit de système du législateur national, communautaire ou régional lorsque, notamment, il instaure une nouvelle tutelle. Du moins la loi ou le décret ne s'expose-t-il pas à commettre l'une ou l'autre erreur de qualification qui viendrait encore compliquer la tâche de l'interprète. La jurisprudence, essentiellement confrontée aux cas d'espèce, garde ainsi toute sa fonction de décantation des textes et le travail de systématisation revient à la doctrine qui, lorsque sa réflexion est bien conduite, peut ramasser toute la matière, si difficile soit-elle, en une synthèse lumineuse, comme le montre, après d'autres, l'ouvrage qu'on va lire. |