Résumé : | La démocratie libérale envisage le travail sous l’angle étroit d’une activité aux objectifs exclusivement économiques et productifs. Efficacité, compétitivité et concurrence en constituent les indépassables valeurs. Pour y être efficace, le travailleur doit laisser certaines valeurs sociales (telles que la démocratie) au vestiaire et faire corps avec les valeurs et les objectifs de son employeur.
Pourtant, une analyse plus politique de ce qui se passe au sein du microcosme des entreprises aboutit à un indubitable constat : loin d’être étanche à la société qui l’entoure, le travail est un moment et un lieu où se construisent des rapports sociaux bien plus subtils que la froide recension de l’organigramme hiérarchique et des objectifs commerciaux. Les aspirations, les valeurs communes et les rapports qui se développent entre les acteurs de l’entreprise construisent la
manière dont elle sera vécue : le travail peut ainsi devenir, à divers degrés, un lieu de conflit ou de solidarités, un moteur d’émancipation ou d’exploitation, un facteur d’intégration ou d’aliénation. Ces valeurs détermineront également la manière dont l’entreprise envisage sa responsabilité vis-à-vis du corps social.
Mais alors que le discours politique institue le travail comme le seul vecteur efficace d’accès à l’émancipation et à la citoyenneté pleine et entière, on assiste à une détérioration des conditions de travail (flexibilité, sous-traitance généralisée, recul de la démocratie sociale…) et à une perte de qualité de celui-ci. Une situation inquiétante que le chômage massif et la crise globale amplifient. Comment concevoir que ce travail sans qualité soit une modalité d’accès à la citoyenneté, plutôt qu’à la résignation ou au repli sur soi ?
Comment, dans ce contexte, envisager l’intégration des personnes qui ne trouvent pas d’emploi ou qui sont contraintes de travailler dans des conditions ne correspondant pas à leurs aspirations (interim, mi-temps, interruption de carrière non désirée…) ?
A l’heure où le plein emploi ne constitue même plus une utopie, le travail est-il vraiment l’activité absolue d’émancipation ?
N’est-il pas temps d’envisager d’autres manières de travailler, d’intégrer plus de démocratie dans le système décisionnel voire, de manière plus radicale, de dépasser le travail comme référence absolue de la construction de soi ?
« Et voilà le travail ! » se propose de réfléchir avec vous à ces questions fondamentales. |